• La poupée de porcelaine (ma nouvelle)

     

     texte : Florence Marquise - 31 décembre 2008  

     

    Il était une fois une poupée de porcelaine dans une petite boutique parisienne, au 19e siècle victorien. On remarque aussitôt cette poupée parmi les autres car c'est la plus belle, élégante et raffinée. Le vieil homme qui tient la boutique passe son temps à prendre soin de ses poupées, formidable collection dont il est fier. Il tient cette passion de sa mère et sa grand-mère, les poupées le fascine littéralement.

     Dans la pièce voisine, se trouve son atelier de fabrication et de restauration. C'est ici que le vieux monsieur les créer, leur redonne une meilleure allure lorsqu'elles sont usées ou cassées. Pas question de les jeter, elles sont très précieuses pour lui. Il a deux grands enfants mais qu'il s'agisse de sa fille aînée ou de son fils, aucun ne partage sa passion. Cependant, ils la respecte car ils adorent leur père. Parmi les petits-enfants du vieil homme, l'une d'eux (âgée de sept ans) reprendra surement la boutique plus tard. Après l'école, la petite adore venir ici et observer son papy qui s'occupe avec soin des poupées dans l'atelier puis vend quelques modèles dans des jolies boîtes. Dans le quartier de Montmartre, tout le monde connaît la boutique et apprécie le vieil homme pour sa gentillesse et sa bonté. 

     

    Une nuit, tandis que le tout-Paris dort paisiblement, la boutique s'illumine soudainement, comme par magie. Apparaît un enchanteur. Il regarde toutes les poupées alignées sur les étagères : que de choix ! Poupées brunes, blondes, rousses ou châtains, la peau claire ou bronzée, les yeux peints à la main comme leurs sourires et leurs sourcils. Des oeuvres d'art.

     L'enchanteur s'attarde en particulier sur la plus belle des poupées. Celle-ci a un visage angélique pourvu de grands yeux bleus, une peau laiteuse, de longs cheveux blonds d'or, vêtue d'une robe longue en satin bleu clair. Il choisit d'en faire un être humain. Soudain, la poupée s'anime, grandit et devient une vraie femme. Satisfait, l'enchanteur disparaît dans la lumière éclatante. La poupée regarde autour d'elle, interloquée. Ô surprise ! Elle sent battre son coeur, elle respire. Elle n'est plus comme les autres poupées de porcelaine au regard figé et à la peau glacée. Elle est devenue une jeune dame et, désormais, il lui faut s'habituer à ce corps, ses vrais cheveux...Elle ne sait rien de la vie, a tout à apprendre mais elle est vulnérable et fragile.

     Elle se regarde dans le miroir de la boutique. Il fait clair car la veilleuse fonctionne la nuit. Personne ne peut voir l'intérieur de la boutique car il y a un épais rideau foncé. La poupée s'observe de la tête aux pieds, étonnée et admirative à la fois par ce qu'elle est devenue : une VRAIE femme d'une vingtaine d'années. Il lui manque un prénom car elle n'en a pas. Elle n'a pas de famille non plus mais son créateur est le vieux monsieur ; elle l'aime tant, tout comme sa petite-fille.  

     

    Au petit matin, l'homme se lève et descend à la boutique. Il est toujours debout de bonne heure ; il aime travailler un peu à l'atelier avant d'ouvrir la boutique pour accueillir les premiers clients. Découvrant la poupée devenue femme, il sursaute. Il ne sait pas trop s'il doit se réjouir ou pleurer. C'est encore un sort de cet enchanteur...Le vieil homme sourit et prend les mains fines de la poupée, l'observe avec intérêt : elle est encore plus belle ainsi ! Il n'a pas envie de la mettre dehors ni de l'abandonner, cela lui ferait de la peine. Elle a toujours été sa poupée préférée. Elle dit qu'elle veut découvrir Paris et les gens, a besoin d'aventures... Il hésite car il a peur qu'il lui arrive quelque chose dehors. Elle est si innocente et pure. Mais elle ne se sent plus à sa place au milieu des autres poupées. Elle lui promet de ne pas l'oublier. Le vieil homme la regarde sortir de la boutique, le coeur serré, les larmes aux yeux.

     

     Paris est très animée la journée. La poupée découvre les fiacres qui vont et viennent sur les rues pavées, les réverbères, les hommes et les femmes aux habits élégants, les boutiques et les magasins, entre autres... Elle marche pendant plusieurs heures sous le ciel azur printanier. Le passants, surtout les hommes et les jeunes gens, se retournent sur elle pour l'admirer car elle est d'une grande beauté. Elle s'assied sur un banc, dans un parc, et observe les gens distraitement.

    Un fiacre s'arrête près d'elle. Un dandy descend et vient saluer l'inconnue, soulevant son chapeau haut-de-forme. Il est très élégant et soigné. Il demande au cocher de l'attendre. Il se présente à la poupée, poli, bien élevé et respectueux. C'est un homme d'une trentaine d'années, un poète romantique à souhait. Il est très gentil, elle peut avoir confiance en lui, il ne lui fera aucun mal. Il la connait peu et est déjà amoureux d'elle. Il est si seul depuis cinq ans... Son ex-épouse s'est remariée, sans regrets sur leur vie commune... La solitude lui pèse et il recherche une nouvelle compagne. Il écrit beaucoup car c'est son métier et sa passion, ses recueils de poèmes se vendent comme des petits pains en France et également en Europe. Poésies parlant d'amour, de beauté et de romantisme, de rêves aussi.

     Le dandy couvre la poupée de fleurs. Il a choisit pour elle des roses rouges au doux parfum capiteux et envoûtant. Il lui achète des belles robes, des gants et des chapeaux, une ombrelle. Il veut la couvrir de tout son amour, est prêt à tout pour elle. Peu habituée, la poupée se laisse séduire, ne peut résister à son charme et ses bonnes manières.

     

    Le soir venu, il l'emmène au restaurant. Elle n'a pas faim, se sent bizarre et fatiguée. A minuit, elle s'écroule dans les bras du dandy qui découvre, surpris, qu'elle est devenue une poupée de porcelaine. Le charme s'est rompu. En fait, l'enchanteur lui a donné apparence humaine pour une journée seulement. Le dandy a le coeur brisé. Pourquoi ? 

     Il l'emmène dans son fiacre et se rend à la boutique du vieux monsieur. Il y est déjà venu avec une de ses nièces un jour... Il est tard mais tant pis. Il frappe à la porte d'entrée. Le vieil homme ouvre, surprit et méfiant. Reconnaissant sa poupée préférée, il fait entrer le dandy. Ravi, il récupère la poupée et la remet sur l'étagère à sa place. Puis il fait asseoir le dandy et revient vers lui avec un livre à la main. Il lui parle de l'enchanteur. Ce dernier a déjà donné vie à d'autres poupées mais le charme s'est toujours rompu à minuit, comme dans les contes de fées. Le jeune homme a du mal à y croîre. Il est triste car il ne reverra jamais cette beauté blonde au visage angélique. Il lui faut l'omettre, ce n'est qu'une poupée de porcelaine après tout. Il sort de la boutique, très ému, et monte dans le fiacre.

     Alors qu'il s'apprête à partir, apparaît l'enchanteur, entouré d'un halo. Il porte une longue cape bleu nuit recouvrant son bel habit en satin blanc. Blanc comme sa longue barbe et ses cheveux. Ses pouvoirs sont immenses et infinis. Il s'adresse au dandy d'un ton assuré, sachant que celui-ci est triste. Pour le satisfaire, l'enchanteur transforme à nouveau la poupée en femme et cette fois-ci c'est définitif. La porte de la boutique s'ouvre alors et elle arrive. Le dandy la prend dans ses bras et l'embrasse tendrement. L'enchanteur les regarde monter dans le fiacre qui s'en va dans la nuit étoilée. Puis il transforme la petite boutique en un grand magasin attrayant. La clientèle afflue dès le lendemain, faisant la joie du vieux monsieur. Jamais les affaires n'ont autant marché. Dans l'atelier, il a engagé des employées pour fabriquer et réparer les poupées. Il est devenu riche.

     

     Quand à la poupée au visage d'ange, elle est heureuse auprès du dandy dans son appartement parisien. Jamais elle n'oubliera son créateur. Mais un jour, le charme se rompt à nouveau et elle redevient une poupée de porcelaine. L'enchanteur avait menti !

    Le dandy rapporte la poupée à son créateur puis repart dans les rues de la capitale, le coeur en lambeaux. Désormais, ses poèmes seront tristes et sombres.

     

     

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    Infos :

    Pour écrire ce conte, je ne me suis pas inspirée de l'histoire de Pinocchio. J'ai seulement imaginé qu'une poupée de porcelaine prendrait vie. 

     


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